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20 avril 2011 3 20 /04 /avril /2011 10:18

Ikebana22

 

 

 

Le décompte de dix-sept syllabes que décline le haïku est l’essence même de ce peu qui reste à partir duquel l’exactitude de l’éphémère portée par les limites du sensible et d’une densité forte s’impose à nous.

 

 

 

 

 

 

A partir de ce moment, l’infini s’offre à nous dans une immense simplicité de mots subissant l’effet d’un souffle. Ce sont des instants d’une pensée fugitive. L’interrogation ne cesse pas, le moindre indice est capté et chaque mot que nous écrivons est une précieuse prise de l’infime.

Ce souffle est animé par la puissance d’un élan, par l’intuition d’une évidence immédiate pour décrire les trois fois rien de la vie.

Il ne s’agit pas de décrire les choses, mais d’être touché par l’émotion que suscitent ces choses comme la lune, une fleur, le bruit de l’eau ou tout ce qui a forme permettant de mettre en éveil notre regard ou tout autre sens de la perception pour trouver un équilibre, comme lorsque l’on compose un ikebana, entre la forme et le contenant.

La pensée ne se fixe pas sur l’objet de notre attention mais sur les circonstances qui ont provoquées l’émotion ; c’est dans cet espace temps très limité qu’il subsiste une trace d’une réalité passée au moment présent dans l’écriture et qui se projette dans le futur au moment de la lecture.

Bashô se concentre sur l’indice infime et ultime des choses, sur ce qui se passe au-delà des mots dans le silence des vocables.

Ce sont ces silences, l’éphémère des choses, ce peu qui reste qui pour moi est l’essence même du haïku.

 

                                                                                                                20 avril 2011
                                                                                                                Graziella Dupuy

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9 janvier 2011 7 09 /01 /janvier /2011 08:27

PAR Christian Faure

Article publié dans la revue PLOC n°20

 

 

poupee papier japonais1 modifié-1 Ambassadrice de la culture japonaise en France, désignée par l’Agence nationale japonaise de

la Culture, la poétesse Madoka Mayuzumi profita de cette occasion pour dispenser une fois par semaine (en Mai et Juin 2010) des cours d’initiation sur le haïku. 

Les cours se déroulant en japonais, il était nécessaire d’être relativement à l’aise dans la langue tant à l’oral qu’à l’écrit [1]. Cependant, la classe était composée d'élèves dont la connaissancedes haïkus était très diversifiée (du débutant à l’amateur averti). 

Ainsi, les trois premières séances furent réservées par Madoka à la présentation du haïku, les quatre séances suivantes à la composition, et la dernière à la présentation du jeu d’encens “du ciel et de la terre”, occasion pour éveiller l’odorat – les cinq sens devant être mobilisés dans la composition des haïkus.

Portons à présent notre regard sur la présentation du haïku du côté japonais.

 ***** 

 Séance n° 1 : présentation du haïku

Madoka Mayuzumi aborda le haïku par une définition de ce genre poétique : le haïku japonais est une forme poétique fixe (定型teikei) caractérisée par un rythme interne (5/7/5) et la présence d’un mot de saison (季語kigo).

Elle précisa dans la première séance l’interaction entre les kigos et les autres segments du poème : ceux-ci vont se placer dans le cadre du thème du kigo ou relater un autre thème. Les haïkus se divisent alors en deux groupes :

 

-         “une phrase, un chapitre [thème]” (一句一章体 ikku isshôtai)

-         “une phrase, deux chapitres [thèmes]” (二句一章体 niku isshôtai), ou “montage” [*].

 

Du second groupe surgit un vrai dynamisme de l’interaction entre deux thèmes qui ne doivent ni être trop proches (pour se diriger vers la banalité) ni trop éloignés (pour n’avoir plus de sens).

Elle aborda enfin la portée des kigos, notamment la fusion qu’ils opèrent entre soi-même (son

égo) et la nature (le monde extérieur).

  *****

Séance n° 2 : des haïkus représentatifs et leur contexte, leurs liens dynamiques

La seconde séance fut l’occasion de détailler une trentaine d'oeuvres reconnues et d’en expliciter leur sens et les émotions qu’ils suscitent afin d’appréhender les enjeux de la composition d’un haïku.

Madoka Mayuzumi en profita pour rappeler la valeur des kigos et le lien dynamique qu’ils entretiennent avec les autres segments.

Exemples des deux groupes de haïkus avec le même kigo, la “coccinelle”:

 

-         “une phrase, un thème” (ikku isshôtai) :

翅割つててんたう虫の飛びいづる

hane watte tentômushi no tobizuru

Écartant ses ailes

La coccinelle

S’envole


-        “une phrase, deux thèmes” (ikku nisshôtai) :

てんと虫一兵われの死なざりし

tentômushi ippei ware no shi nazarishi

Une coccinelle

Soldat,

j’ai survécu


Le premier haïku, composé par Takano Sujû (高野素十 1893~1976), représente bien le thème unique reflété par le kigo de la coccinelle, novateur à son époque mais sans doute évidentaujourd’hui.

Le second, composé par Azumi Atsushi (安住敦 1907~1988) incorporé sous les drapeaux lors de la seconde guerre mondiale, met en contraste par son montage le sentiment de paix qu’inspire la vue de la coccinelle et sa surprise d’être toujours en vie.

*****

La revue du haïku n° 20 9

Séance n° 3 : interroger notre sensibilité et nos goûts en matière de haïkus

Les participants auront sélectionné trois compositions dans une nouvelle liste de haïkus représentatifs, transmise lors de la séance précédente.

Madoka Mayuzumi demanda ensuite à ce que chacun en donne son appréciation à l’oral.

L’intérêt pédagogique est de permettre à chacun de s’interroger sur ses goûts en matière de haïku, d’exprimer sa sensibilité par rapport à une oeuvre afin de pouvoir la reconnaître et tenter ensuite à son tour de s’en approcher.

Madoka Mayuzumi replaça ensuite chacun de ces haïkus dans leur contexte.

  *****

Nous détaillerons lors du prochain numéro les séances consacrées à la composition mais accordons quelques instants au jeu très ancien de la voie de l'encens.

Le jeu de l’encens “ametsuchi-kô” associe les senteurs de chaque encens à une expression de la pluie [2] (ex : saison des pluies - tsuyu ; pluie sur la végétation - ryokuu ; pluie de Dame Tora -toragaame).

Toutes les senteurs sauf une circulent entre les participants afin qu’ils en mémorisent le nom.

Le maître de l’encens fait circuler de nouveau les senteurs avec la supplémentaire  mais dans le désordre. Le but est de trouver le nom de toutes les senteurs selon leur ordre de passage.

Les participants qui devinent toutes les senteurs reçoivent la mention “arc-en-ciel”, ceux qui n’en trouvent qu’une seule “pluie blanche” et ceux qui n’en trouvent aucune “saison des pluies sèches”.

Pour l’occasion, seules trois senteurs furent utilisées (mais elles peuvent être plus nombreuses).

Le jeu est l’occasion de rappeler que les cinq sens sont à invoquer dans la composition de haïkus.

  *****

[1] Au moins le niveau 2 du JLPT – “Japanese Langage Proficiency Test. La lecture des caractères écrits au stylo ainsi que la compréhension du vocabulaire relatif aux haïkus sont également importants.

[2] Les nombreuses expressions de la pluie forment également des kigos.

[*] “montaju” en japonais le terme est issu du français.

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18 octobre 2010 1 18 /10 /octobre /2010 15:44

 

 

Première partie

 

Né au Japon, le haïku est la forme poétique la plus courte et la plus concentrée au monde.

5,7 et 5 syllabes une seule ligne en japonais (17 mores), suffisent à dire la diversité des sensations éprouvées face à la réalité.

 

A l’origine, au XVIIème siècle, le tanka intègre un hokku (5-7-5 mores qui évoquent une saison) et un distique (7-7 mores qui donnent à percevoir un sentiment particulier).

 

Dès le XVIIème siècle, sous l’influence de

Matsuso BASHÔ MUNEFUSA (1644-1694) et de son école, des règles de construction tirées du hokku furent maintenues.

·        La rythmique 5-7-5

·        Le kigo (mot ou expression de saison)

·        Le kireji (phonème de césure) qui n’a pas en soi de sens précis et introduit une pause offerte au lecteur (en Occident la pause est souvent traduite par un tiret long).

 

Bashô

 

Au XVIIIème siècle, le haïkaï-renga perdait de sa popularité et les haïjins se consacraient à l'écriture du Hokku.

 

Yosa Busson (1644-1694), peintre et poète, met en évidence dans ses écrits son talent de peintre et réussi à évoquer des images précises et pleines de lumière. Les haïkus de Busson sont différents de ceux de BashÔ, ses expressions sont raffinées et font ressentir l'intemporel en se basant sur l'ordinaire.  Les Hokkus de Busson sont descriptifs mais dans l'idéalisation, il a voulu décrire les choses et non la chose elle même, dans ses hokkus Busson exploite la richesse des mots, ses écrits ont eu une grande influence sur le haïku moderne.

 

Yosa Busson est l'inventeur du Haïga (peinture accompagnée d'un haïku).

 

Buson

 

Issa Kobayashi (1763-1828) rompt avec la forme de classisisme du XVIIIème siècle de Busson, renouvelant le genre, plus tourné vers un type de romantisme en insufflant dans ses écrits, l’autoportrait, le sentiment personnel et l’autobiographie.

Selon Shiki, Issa se distingue des autres haïjins par le côté comique de ses haïkus en introduisant la comédie de situation, la satire et la compassion.

 

Le hokku, présenté de manière autonome, donnera naissance au haikaï.

 

Issa (d'après Muramatsu Shunpo)

Shiki Masoaka (1867-1902), après avoir découvert la philosophie occidentale, est convaincu que les descriptions brèves des choses et des faits sont efficaces et bien plus parlantes, il insiste sur l’importance du « shasei » soit l’objectivité du croquis ou la description d’après nature.

Shiki rompt avec la forme de romantisme du XIXème siècle.

L’innovation et le style de Shiki a eu un grand retentissement dans tous le japon ce qui à permis à de nombreux haïjins de retrouver l’engouement pour cette forme d’écriture.

Il fonda le journal « Hototogisu », (qui est un synonyme de son psudonyme).

Le terme de haïku (contraction de haikaï et de hokku) est seulement adopté au XIXème siècle et attribué au poète SHIKI MASAOKA qui fut un des grands rénovateurs de la poésie japonaise.

Il modernisa et rebaptisa les formes traditionnelles de « waka » en  tanka  et de « hokku » en haïku.

De nos jours le haïgaï-renga est connu sous le nom de « renku » mais peu de haijins s’intéressent à cette forme poétique.

 

Shiki (d'après photo)

Shiki (signifiant petit coucou) est considéré comme l’un des quatre maîtres classiques du haïku japonais avec BashÔ, Busson et Issa.

 

(toutes les encres sont des reproductions d'après photos ou autres documents)

 

 Graziella Dupuy

18 octobre 2010

 

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20 juillet 2010 2 20 /07 /juillet /2010 10:22

Nous voici revenus au temps des anciens, nous sommes à nouveau touchés par la simplicité, l’impertinence et l’authenticité des mots de certains Haïjin.

Ces mots ancrés dans le réel mais laissant percevoir l’émotion, la fragilité, l'éphémère, la beauté de ces trois fois rien qui nous entourent. Voilà pourquoi, le Haïku, pour moi correspond à un instantané photographique.

           

Brumes et rivières se côtoient, dans un même mouvement, tôt le matin, appareil photo sur l’épaule, je romps le silence de mes pas, les nuages crient de joies aux premiers rayons de soleil.

En lévitation parmi les nuages, j’observe l’instant, j’attends le moment propice où la lumière sera là, juste, précise à ce que je recherche, pour pouvoir enfin voler l’âme de Dame Nature.

 

C’est dans cet esprit que je cherche des images, malheureusement je ne suis pas photographe, la seule mémoire photographique que j’ai est en moi  je l’exprime par quelques mots…

 

Merci mes amis –

Ces Images « haïkuestes »

Si douces si douces

 

"haïkuestes" : néologisme déposé par Francis Tugayé

   

Notes utiles à propos du renku

 

Un renku commence par le Hokku. Ce verset de trois lignes est la salutation (d’ordinaire écrit par l’invité d’honneur).

Ensuite vient le Wakiku. Ce verset de deux lignes (normalement écrit par l’hôte) est lié au précédent (même saison, même scène).

Le Daisan vient ensuite et devrait aborder un sujet différent des deux premiers versets.

Après le Daisan, chaque verset est lié au précédent, tout en étant différent ; Ce « déplacement » peut être développé à partir du sujet, de l’atmosphère, de l’émotion, etc du verset précédent

Idéalement, on se garde de repérer ce qui a été abordé dans n’importe lequel des versets précédents

Les fleurs, la lune et l’amour sont des thèmes réservés à des versets en particuliers

Pour ce qui est du rythme, les 6 premiers versets forment le prologue (jo) , les 24 suivants, le développement (ha) et les 6 derniers forment la conclusion ‘kyu)

Le renkushi  indique les thèmes des versets et choisit les versets à utiliser parmi les suggestions reçues

 

Renkushi : maître de renku

                                                                              Graziella Dupuy

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18 juillet 2010 7 18 /07 /juillet /2010 12:40

Chiyo-ni

Chiyo Fakumasuya appelée CHIYO-NI
(1703 à maltto - 1775) 
Au parfum des fleurs
je ne montre que mon dos
changement de robe
           Chiyo-Ni
Ce petit poème extrêmement bref vise à dire l’évanescence des choses par sa capacité à concentrer le réel, il nous donne autant à voir qu’à ressentir.
Cette forme d’écriture est avant tout une suggestion d’images d’une brièveté saisissante.
“Le haïku s’articule souvent entre deux expressions dont les effets très divers (contraste, paradoxe, redite…) se renforcent mutuellement à l’instar d’une photo bien composée qui fige et conserve la trace d’un mouvement avec plus ou moins de flou, de profondeur, de luminosité.”(Francis Tugayé – Ploc n°8 octobre 2009)


Il met en évidence la fugacité du moment, il nous laisse face à nous même, il est d’un détachement total.

Dans le haïku il n’y a pas d’état d’âme, seulement l’humilité dans la perception, l’apparente insignifiance des choses, les trois fois rien de la vie, l’impression instantanée (je le compare souvent à un instantané en photo).

Le Haïku est le résultat d’une prise de conscience profondément ressentie à un instant T.

Cette expression (et là je vais certainement faire hurler les puristes) « artistique » est ancrée, en ce qui me concerne dans le précaire et l’éphémère, ce qui n’en est pas moins un principe de changement et de diversité.

C’est une vision poétique du monde, de la fulgurance du quotidien, le Haïku à cette musicalité que je retrouve lorsque j’écoute Debussy.

Ce dernier avait fait reproduire « La Grande Vague » d’Hokusaï en tête de la partition de son poème symphonique « La Mer ».

Voilà pourquoi pour moi il donne autant à voir qu’à entendre et ressentir.

L’écriture du Haïku nous amène également à la modestie, l’humilité, après tout ce ne sont que trois lignes (une seule en japonais).

Il faut écrire avec ce que l’on est, sa sensibilité, être en harmonie avec ce que l’on écrit, être authentique et suivre son instinct.

Je suis très attachée à l’art l’éphémère, on le pense, on le montre puis il disparaît, aucune trace sinon le souvenir ou l’impression que l’œuvre nous a laissée.

Il en est de même pour le Haïku si celui-ci vous a ému ou touché fait voir ou ressentir selon vos propres émotions pour moi et seulement pour moi c’est un haïku.

                                                                          Graziella Dupuy

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18 juillet 2010 7 18 /07 /juillet /2010 12:35

L'éventualité d'emploi de métaphores dans le haïku
(reflet de mes intuitions, et non de mes certitudes)

L'emploi de métaphore est envisageable mais extrêmement délicat.
On peut distinguer trois procédés : le double sens, la métaphore discrète et la métaphore explicite.

I - Le double sens

Sombres sont les yeux
de l'épouvantail – rafale
à travers la bruine.


Dans ce haïku j'utilise le double sens de « Sombres » :
– sens concret non critiquable (aspect noirâtre)
– sens métaphorique (empreint de tristesse).

Le sens concret contrebalance le sens métaphorique personnalisant l'épouvantail.
Ce sens métaphorique n'est pas imposé au lecteur – même si je force un tant soit peu le trait, j'en conviens : « Sombres sont... » Au lecteur d'interpréter ou de ne pas interpréter.

Désolé de remettre encore sur le tapis le thème de l'épouvantail, sujet éculé s'il en est !
J'avais proposé à un de nos amis cette réécriture :

Déferlante
L'épouvantail résiste
les yeux déchirés


Deux remarques par rapport à sa première mouture :

1° il y avait « s'accroche » ; un épouvantail ne peut pas en soi s'accrocher... il peut résister.

2° il y avait « yeux chavirés », très expressif mais bien trop occidental.

Par contre, « déchirés » doté d'un double sens est envisageable appliqué au sujet traité :
– sens concret non critiquable (tissu déchiré)
– sens métaphorique (âme déchirée).

II - La métaphore discrète

On peut utiliser une métaphore discrète pour renforcer un aspect physique et concret, comme je l'ai tenté dans ce haïku :

Les monnaies-du-pape
luisent sous la lune froide
– gouttes de lumière.


L'association de « gouttes » à « lumière » n'est pas naturelle, mais « gouttes » suggère beaucoup plus en ce seul mot que ne le ferait n'importe quel autre mot.
Je vous laisse le loisir d'interpréter à votre manière « lune froide » et « gouttes de lumière ».

III - La métaphore explicite

Une métaphore explicite doit pouvoir à mes yeux être justifiée, notamment suggérer avec moins de mots ce qui pourrait être suggéré de manière apparemment plus simple... mais avec plus de mots.
On pourrait utiliser des métaphores explicites dans d'autres cas si l'on suggère finement en premier lieu le rendu d'une impression plus floue, et éventuellement (pourquoi pas) des sentiments, des émotions. Mais pardon d'insister, c'est très délicat, il ne faut pas imposer une interprétation au lecteur ; même si elle est sous-jacente, elle doit être floue.

C'est à vous de juger de la pertinence de ce haïku :

Pie en manteau noir
sur la barrière du champ.
Neige et ciel laiteux.


in Chevaucher la lune
éditions David, Ottawa (Ontario, Canada), 2001

L'effet métaphorique – de mon point de vue assez léger mais moins discret que dans l'exemple précédent – n'était pas du tout prémédité.

En quelques mots, la pie est esquissée dans un contexte approprié : un temps de neige.
Les deux expressions se renforcent mutuellement, ici par effet de contraste.

Ce haïku fut précédé et suivi d'essais différents : cette première version se voulait un hommage au peintre impressionniste Claude Monet, mais la pie est mise trop en avant, alors qu'elle est en retrait dans La pie, Musée d'Orsay, Paris.

Cela donna une toute autre version sensée être au plus proche de la composition du tableau :

Neige intacte
des monts jusqu'à la barrière du champ.
Tiens, une pie.


in Le bleu du martin-pêcheur
anthologie trilingue, éditions L'iroli, décembre 2007

Dans ce haïku de Buson :

Chauve souris
cachée tu vis
sous ton parapluie cassé


in Fourmis sans ombre
de Maurice Coyaud,
éditions Phébus (1999), page 91
(sous réserve de la traduction/interprétation de ce haïku japonais)

Il s'agit bien d'un procédé métaphorique, non d'un pur procédé de juxtaposition susceptible de créer un lien chez le lecteur. Vous devinez facilement qu'il est bien question des ailes de la chauve-souris (et pas d'autre chose), bien qu'elles ne soient pas nommées.
Si vous apercevez une chauve-souris... sous un parapluie, j'espère que vous aurez un appareil photo pour immortaliser l'instant !

Il y a une justification à l'utilisation de cette métaphore dans l'influence fortement animiste des japonais.
En conclusion à ce stade, je ne prône pas la métaphore explicite sauf dans quelques cas rares difficiles à discerner, mais ceci nécessiterait de faire un développement plus conséquent.

Remarque sur la suggestion et le non-dit

Ce sont mes deux leitmotiv. Il ne s'agit pas de faire dire au haïku ce qu'il ne dit pas, ce qu'il ne doit pas dire (quoique je me contredise à propos du double sens). Il s'agit d'essayer de suggérer non pas une idée mais une impression floue – une impression rendue plus floue par la suggestion, le non-dit.

Rien n'empêche, à mes yeux, de suggérer des sentiments s'il y a double sens d'un mot ou d'une expression (sens concret, sens métaphorique).

Donc, dans « parapluie cassé », Buson tente de suggérer – sans l'imposer au lecteur – une ambiance rendue plus forte par une image saisissante (non abstraite). Dans ce cas, il n'y a pas a priori de double sens... mais l'ambiance rendue est susceptible de mener le lecteur au-delà des mots.

Francis Tugayé - Tous droits réservés ©

article publié en juillet 2008 dans le n° 20 de la revue Gong
éditée par l'Association Française de Haïku
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18 juillet 2010 7 18 /07 /juillet /2010 10:22

Haïku

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