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8 avril 2011 5 08 /04 /avril /2011 09:32

 

brique-de-the.jpg

 Brique de thé

 

 

Sen Sôshitsu a dit « J’ai parcouru le monde entier en souhaitant atteindre la paix en partageant un bol de thé » …

Pour ma part, j’aimerai visiter le monde en souhaitant atteindre « la sérénité en partageant autour d’un bol de thé l’amour et l’amitié qui nous manque tant dans ce monde ».

Il y a bien des manières de voyager, moi j’aime voyager en rêvant.

Lorsque je prends un thé vert et que je regarde sa couleur, que l’odeur éveille en moi des sensations iodées, d’herbes sèches ou fleuries, je me sens en communion avec la nature. Une paix m’envahie et, si j’offre un thé à un ami, peut-être pourrions-nous répandre et partager ce moment de sérénité.

Le thé est symbole d’amitié, d’hospitalité, d’accueil, de générosité. Il est chargé d’histoire, de poésie, de rêves, il est une philosophie, un art de vivre.

« Approchez, ô approchez

vous qui êtes assoiffés de thé

et fébriles,

la bouilloire est sur le feu

elle chante et gronde

mélodieusement »

Ce poème de Rabîndranâth Tagore résume bien ce préambule.

Aussi importante que la route de la soie, il y eut la route du thé – les nomades troquaient des briques ou des galettes de thé contre des soieries, de la laine ou du coton – ou  devrais-je dire plusieurs routes du thé, celle du Nord qui permit au Mongols d’avoir du thé sans en faire le commerce et celle qui traversaient la chine d’Est en Ouest en passant par le Yunnan, le Sichuan et le Tibet avant d’arriver en « Russie asiatique » jusqu’au monde Musulman.

En 1817 l’importance de cette route du thé        aboutit à Nijni Novgorod où se déroulait pendant six semaines la plus grande foire commerciale annuelle et qui réunissait plus de quinze mille marchands.

C’est à partir de là que le thé était réexpédié vers d’autres villes de la Russie et exportée jusqu’en Scandinavie.

Douceur de la soie –

des plaines aux monts les plus hauts

les premiers bourgeons

Du thé sauvage au thé de culture, bien des différences. Dans le sud du Yunnan, quelques théiers de plus de dix mètres de haut, ne donnent pas du thé exceptionnel, car le théier demande à être domestiqué et exige bien des soins.

Ce théier sauvage

un vestige millénaire

moins vénérable

Etant d’origine Sicilienne, vous pouvez vous en douter, ma préférence allait au café, jusqu’au jour où ce breuvage me rendit malade… Je me mis alors à boire du thé.

Du thé noir au début, puis noir parfumé, mais ce n’était toujours pas satisfaisant.

Jusqu’au jour où une amie m’invita à passer quelques jours de vacances en Provence.  Buveuse de thé, elle me donna l’occasion de goûter un thé vert, et là, j’avoue qu’à ma grande surprise j’ai ressenti des saveurs subtiles et délicates qui m’ont données envie de découvrir les différences entre les thés de Chine.

De la Chine au Japon qu’à cela ne tienne, il n’y a qu’un pas à faire, surtout à travers les livres. Je me mis à m’intéresser aux thés verts du Japon qui sont complètement différents.

D’un thé à l’autre, d’une culture à l’autre j’ai découvert entre autre le haïku, l’encre, le monde de l’Ukiyo-e[1], Etc.

Finalement l’intérêt que l’on porte aux choses tient souvent à trois fois rien, ces trois fois rien saisissent sur le vif et que l’on essaye de retranscrire dans un haïku…

Un thé pour rêver –

un pinceau chargé d’encre

… l’Ukiyo-e

Voyager entre les grandes origines du thé est une adéquation entre le climat, la nature du sol et les techniques de cultures. C’est tout cela qui définie la notion de terroir, tout comme pour les grands vins.

Situé en altitude sur des sols légèrement acides et riches en azote, volcaniques au Kenya, rocheux à Darjeeling, alluvionnaires comme en Assam la nature s’y prête remarquablement et favorise le profond enracinement des théiers.

Pour parfaire le tout, cinq à six heures d’ensoleillement par jour, de l’ombre partielle et changeante, des ondées le soir, des pluies nocturnes, une température n’excédant pas trente cinq degrés sans écart brutaux, tout cela favorise l’appellation Grand Jardin.

Thé de “Grand Jardin”

cette ivresse des sommets

       une seule tasse

Au début du printemps nous arpentions Clermont-Ferrand avec une amie et un guide. Transi de froid, nous nous dirigions par une petite rue vers le centre névralgique lorsque nous découvrîmes un salon de thé extraordinaire à

l’ambiance dédiée à l’Asie : meubles magnifiques, objets de décoration des différents pays producteurs de thé. Nous nous asseyions dans un élégant et minuscule salon japonais pour savourer un Gyokuru[2].

Reconnaissable à ses fines feuilles pointues comme des aiguilles, à son parfum qui libère des notes très puissantes d’épinard frais portées par une bouffée d’embrun,  la délicatesse de ce thé du Japon  fit de cet instant un grand moment de bonheur et une envie d’aller encore plus loin, visiter le Japon…

Couleur de prairie

noble goutte de rosée

lumière printanière

Un peu plus tard dans l’après midi, nous nous sommes rendues au vernissage d’une exposition sur le raku. L’artiste japonais nous a présenté sa production, il est également Maître de thé.

À la fin de l’exposition nous avons assisté à une cérémonie de thé – chose très rare – on participe à une cérémonie mais on ne la montre pas en public.

Le cérémonial du Chanoyu[3] est très long. Le praticien a revêtu un kimono. La calligraphie, les céramiques, l’encens et les arrangements floraux sont indispensables.

Le thé utilisé est du Matcha[4], une variété de Tencha de haute qualité à feuille très fine. Trois semaines avant la récolte, les feuilles sont recouvertes de natte de bambou pour concentrer la chlorophylle des pousses tendres et des bourgeons. La cueillette a lieu trois fois par an, les feuilles sont hachées avant d’être séchées, stockées dans des caves et , au fur et à mesure des besoins, elles sont moulues et mises dans de petites boites hermétiques pour garder toute la puissance de leurs arômes.

 

matcha ++

« Au cours de la période des Tokugawa, la cérémonie du thé prit de l’importance à titre de forme de réception officielle, pratiquée par les membres des classes supérieures. La cérémonie était dorénavant très politisée, et de nombreux seigneurs féodaux gardèrent des maîtres du thé pour les aider avec la cérémonie. Seuls les membres de la classe des samouraïs avaient le droit de pratiquer la cérémonie du thé, en plus des prêtres et de la noblesse. » 1999, CHIN-Canadian Héritage Information Network.

Chanoyu

mousse de jade liquide

repos du samouraï

L’été est propice à la récolte des thés comme le Golden Needle, thé très rare.

Si l’on est amateur on se doit de le déguster au moins une fois dans sa vie, ou le Keemun Mao Feng de la région d’Anhui.

 

Un matin, j’allais acheter du thé, n’étant pas très en forme, la maîtresse des lieux me conseilla de boire un  Pu erh, un thé de la région du Yunnan, je m’installais donc pour le goûter  avant d’en acheter. Ce fut une expérience étonnante…

Au premier abord il a un goût de terre mouillée, mais en insistant on peut découvrir des notes de tabac, d’iode, d’endive cuite, tous ces parfums offrent un bouquet racé.

J’appris plus tard qu’il est pratiquement considéré en Chine comme le « thé

miracle » capable de faire passer bien des maux. En tout cas j’avoue pour ma part qu’il est assez efficace après un repas un peu trop lourd.

Mes sens en éveil
au frémissement de l'eau
thé blanc, vert ou noir

Chaque nom de thé est un voyage à lui seul.

Earl Grey « roi de Sicile », inspiré par le personnage de Léontès, le roi tourmenté de Sicile dans le « conte d’hiver de Shakespeare », thé parfumé à la bergamote du Sud de l’Italie.

Casanova, encore un voyage pour cet hommage rendu au philosophe libertin.

« Le secret Tibétain » sur un thé noir.

 «Le Toit du monde » sur un Wulong, créé pour le quarantième anniversaire de la conquête de l’Everest par l’homme.

Goût russe, Shéhérazade, Perle du mandarin, autant de noms que de thés sur la route des thés

Une histoire d’amour –

s’abandonner au plaisir

d’un voyage rêver…



[1] L’Ukiyo-e : en japonais signifiant « image du monde flottant » mouvement artistique japonais de l’époque d’Edo (1603-1868)

[2] Gyokuru, signifie perle de rosée ou noble goutte de rosée

[3] Chanoyu : littéralement « eau chaude pour le thé »

[4] Matcha : traduit par « Mousse de jade liquide »

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commentaires

G
<br /> <br /> Je me suis délec-thée, Graziella. Merci pour ce magnifique voyage au pays des senteurs et des goûts, des délicatesses et des silences !<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
A
<br /> <br /> Merci Gisèle, j'espère que tu vas bien - Amitiés -G-D<br /> <br /> <br /> <br />

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